UN DOCUMENTAIRE DE GUILLAUME BODIN
France 2022 1h19 avec Marie-Thérèse Chappaz, Elisabetta Foradori, Hélène et Catherine Thibon, Virginie Saverys – et les fières équipes, filles et garçons, qui les accompagnent…
Un article publié dans la Gazette des cinémas Utopia.
Il se présente avec humour comme titulaire d’un BTS en viticulture-oenologie, d’un master de libre penseur, comme totalement autodidacte pour le reste. Guillaume Bodin est entré en cinéma comme par effraction il y a un peu plus de 10 ans, avec La Clef des terroirs, pour partager sa passion pour la biodynamie. Un deuxième film, Insecticide mon amour, est né de son refus de composer avec l’obligation faite aux vignerons d’empoisonner préventivement leurs terres à grands renforts d’épendages chimiques mortifères, tant pour l’environnement que pour les agriculteurs qui y ont recours. Ouvrier consciencieux, en audiovisuel comme en viticulture, il s’attache à apporter à la fabrication de ses films un professionnalisme irréprochable – ni la forme ni l’écriture ne trahissent l’amateurisme et, comme le vin, son cinéma se bonifie avec le temps, de film en film. Et Guillaume Bodin a, par ailleurs ailleurs, de la suite dans les idées. S’ensuit Zéro Phyto 100 % Bio, qui prolonge le questionnement sur les pesticides, le tout entrecoupé de longues années où il poursuit son activité de vigneron, tantôt sédentaire, tantôt itinérant, en portant la bonne parole dans les exploitations viticoles en recherche de transition écologique.
Vigneronnes, son dernier né, est d’abord né du besoin de notre artisan de remettre sur le métier son ouvrage initial. Sur la biodynamie, il n’avait sans doute alors pas tout exploré, pas tout vu – et pas tout dit dans La Clef des terroirs. Ou, de son point de vue, pas assez adroitement. Et concommitamment, du désir de témoigner de la féminisation du monde du vin. Jusque là peu visibles, masquée par l’omniprésence des mâles dans un secteur qui, comme tant d’autres, tend à se faire croire qu’il ne peut être, par tradition millénaire, par essence divine, que masculin, de nombreuses vigneronnes accèdent enfin à la reconnaissance de leurs pairs. Elisabetta Foradori en Italie ou Marie-Thérèse Chappaz en Suisse ont ouvert le chemin à toute une génération qui emprunte leurs pas. Sans omettre la petite armada de l’ombre qui les épaule, le film met en lumière des visages de vigneronnes, engagées en biodynamie, au travers de vignobles d’Italie, de France et de Suisse. Filles de familles de vignerons sur plusieurs générations, néophytes en quête de sens, puissantes femmes d’affaires, elles ont des parcours de vie et des domaines à gérer très différents – mais un même métier les relie. Plus qu’un métier, une passion où les notions de partage, transmission, attention authentifient la clef de leurs terroirs. Petit à petit se dessine l’idée que, par ce que la biodynamie porte en elle de valeurs, de rapport au temps et de proximité avec les cycles de la nature, par opposition à la violence intrinsèque portée par l’agriculture dite « conventionnelle », pour paraphraser Aragon, la femme serait l’avenir du vin.
Guillaume Bodin nous invite dans ce monde, le sien, avec beaucoup de délicatesse, enchante les pupilles qui, par capillarité, donnent soif aux papilles – tout en nous promenant de vignoble en vignoble au rythme des saisons. Un monde du vin qui rime au féminin, « artistes de la terre » qui ne font pas du vin mais « élèvent » du vin comme on élève et regarde grandir un enfant. (avec le concours involontaire de M. Carnet, Le Courrier de l’Eure et Nathalie Soyeux de la MJC de Bernay)