Eco des Pays de Savoie | Guillaume Bodin
ECO DES PAYS DE SAVOIE
Guillaume Bodin plante sa caméra dans la vigne
Jour gris sur les vignes du Mâconnais. Une fine brume s'échappe des côteaux. La rosée perle sur les grains de raisins. La terre respire, transpire dans un calme absolu. Sa caméra à l'épaule, Guillaume Bodin est là pour saisir cet instantané de vie. Un petit matin comme un autre, transcendé par un regard amoureux. Car le Rochois de 25 ans cultive une passion: celle de la vigne et du vin. Une passion qu'il a mise en images dans un film documentaire, La Clef des Terroirs, où il tente de démystifier la culture en biodynamie, celle qu'il veut un jour mettre en pratique sur ses propres ceps.
"Pour améliorer les vins, il faut de la vie dans les sols. Et pour qu'il y ait de la vie dans les sols, on vient vite à la culture bio puis à la biodynamie qui utilise encore moins de produits."
Oeonologue de formation, le jeune homme n'est pas tombé de la dernière pluie. S'il n'est certes pas né sur un tonneau avec un père artisan d'art, il a toutefois découvert ce domaine suffisament tôt pour avoir le temps d'en explorer toutes les subtilités. "Quand j'avais onze ans, se souvient-il, un ami de mon père m'a proposé de venir chez lui, à Nuits-Saint-Georges, durant le mois de juillet." Le vigneron lui transmet tellement bien le virus que Guillaume y retourne chaque année. La greffe a bel et bien pris: le petit citadin s'engage dans un BEP vigne et vin, poursuit par un Bac pro puis par un BTS viticulture-oenologie. Mais ses professeurs, qui prônent l'agriculture conventionnelle, finissent par le détourner des études, à leur insu. "Ma formation ne correspondait pas à ce que j'en attendais, notamment concernant le bio et la biodynamie. Les profs n'y croyaient pas du tout, voire étaient même très sceptiques. A la fin de mes études, j'évitais purement et simplement d'en parler..."
Son sac sur le dos, le montagnard prend alors le maquis, d'abord en Bourgogne chez les frêres Bret qui exploitent un petit domaine en Pouilly-Vinzelles. Puis il s'envole pour la Nouvelle-Zélande, à la recherche des "wine makers". Il y découvre un véritable laboratoire à ciel ouvert. Des hectares de jeunes vignes. Des parcelles entières couvertes d'essais "La vigne a fait son apparition dans ce pays à partir des années 1980, après la prohibition. Du coup, les vignerons sont en pleine recherche, ils essaient des cépages pour les adapter au mieux à leur terroir. Quand ils auront harmonisé ces deux données essentielles, ils feront des vins splendides."
Nouvelle-Zélande, eldorado des vignerons
Guillaume Bodin n'a pas atteri là tout à fait par hasard. Il sait qu'en Nouvelle-Zélande, on parle beaucoup de biodynamie. Au pied des ceps, c'est même le principal sujet de discussion. "J'ai travaillé dans plein de domaines différents et partout, on échangeait sur le thème, on partageait ses connaissances. Quand je suis rentré en France, après neuf mois là-bas, je me suis dit qu'il faudrait qu'on se réveille !"
La bouse de corne en question
C'est pour mieux faire connaîter cette méthode et en dépoussiérer l'image qu'il se lance, quasiment dès son retour, dans un nouveau défi: la réalisation d'un film autour du vin et de la biodynamie. De mars à septembre 2010, il accumule les heures de tournage dans les vignes où il travaille: chez les frêres Bret, en Bourgogne, dans les pays de Loire, dans le Languedoc... Les portes des plus grands domaines s'ouvrent à sa caméra d'oenologues-réalisateur. Les langues des plus discrets des vignerons se délient. Aubert de Villaine, propriétaire du très select Domaine de la Romanée-Conti, se dévoile devant la caméra en vantant les bienfaits de ce mode de culture sur son terroir. Jean-Guillaume et Jean-Philippe Bret font plus encore: ils permettent à leur employé et ami de fixer sur la pellicule leur secrets de cuisine, de percer le mystère de la biodynamie qui prétend redonner au sol toutes ses qualités. Préparation des tisanes de prêle, d'ortie, de camomille... sont filmées non sans humour. Il s'agit bien de démystifier une méthode que d'aucuns qualifient d'ésotérique. L'exercice se complique avec la bouse de corne. Comment faire comprendre que cette recette, qui consiste à remplir des cornes de bouse de vache puis à les enterrer pendant six mois dans un lieu spécifiques, est un concentré d'énergie? Elixir de la terre pour les uns, poudre de perlimpinpin pour les autres, la bouse de corne concentre en tout cas à elle seule une grande partie du débat. Guillaume Bodin ne prétend pas le clore, mais invite tout simplement, à travers des images d'une grande beauté, à s'ouvrir à des techniques plus respectueuses de l'environnement et de la santé humaine. Un film à consommer sans modération.
Sylvie Bollard
Un projet de film dans le sac à dos
Lorsqu'il n'est pas dans les vignes, Guillaume Bodin arpente les montagnes. Initiateur au club alpin de La Roche en ski de randonnée, escalade et alpinisme, il aime à faire partager cette autre passion qui l'à déjà mené sur de nombreux sommets de la planète à plus de 6000 mètres d'altitude. Fort de sa première expérience - réussie - de réalisateur, il envisage désormais de faire un film sur l'alpinisme et sur les raisons qui poussent ces hommes et ces femmes à prendre (toujours plus) des risques.