La vice présidente du Sénat et les insecticides néonicotinoïdes
Suite à la lettre envoyée aux 348 Sénateurs, j'ai reçu 36 réponses. Voici la réponse m'ayant le plus interpelé car Isabelle Debré est vice présidente du Sénat et membre du parti des Républicains, majoritaire au Sénat. À savoir que tous les membres du parti Les Républicains ont répondu sensiblement la même chose.
Madame, Monsieur,
Vous m’avez fait part de votre étonnement et de votre déception quant au refus du Sénat de voter l’interdiction immédiate des pesticides de la famille des néonicotinoïdes.
Je tiens d’abord à vous assurer que le Groupe Les Républicains du Sénat porte une attention particulière à la protection de l’environnement, aux méthodes de production agricole et à la santé des populations.
Concernant les pesticides incriminés, le Sénat a adopté, à une très large majorité, le dispositif suivant, une interdiction générale de ces produits étant en effet contraire au droit communautaire :
Dans un premier temps, au plus tard le 1er juillet 2018, les produits phytopharmaceutiques pour lesquels il existe des méthodes ou produits de substitution présentant un bilan plus favorable sur le plan environnemental, seront interdits par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES).
Dans un deuxième temps, à compter du 1er juillet 2018, l’ANSES disposera d’une mission pérenne de vigilance lui permettant d’interdire, dès qu’elle en aura connaissance, l’usage des néonicotinoïdes dès lors qu’une nouvelle méthode ou un nouveau produit présentera un bilan favorable.
De la sorte, nous sommes assurés que le produit de substitution sera plus performant que les néonicotinoïdes d’un point de vue sanitaire et environnemental, ce qui n’aurait pas été le cas avec une interdiction immédiate et totale.
Cette architecture nous donne donc des outils administratifs et juridiques plus solides pour interdire les insecticides de la famille des néonicotinoïdes, sous l’égide de l’ANSES, car ce n’est pas au législateur de se substituer au monde scientifique pour déterminer quels sont les produits les plus dangereux ou vertueux pour l’environnement et quelles pratiques doivent être proscrites ou encouragées.
Soyez certains que nous resterons vigilants jusqu’au terme de la navette parlementaire afin que les dispositions concernant la protection de la biodiversité s’insèrent avec la plus grande efficacité dans notre ordre juridique.
Telles sont les précisions que je souhaitais vous apporter.
En restant à votre écoute, je vous prie de bien vouloir trouver ici, Madame, Monsieur, l’expression de ma considération distinguée.
Bien cordialement,
Isabelle Debré
Vice-présidente du Sénat
Isabelle Debré est Sénatrice des Hauts-de-Seine depuis 2004, vice présidente du Sénat depuis le 1er octobre 2014, sous la présidence de Gérard Larcher (également membre du parti des Républicains).
© Sénat
Et les autres Sénateurs ?
L'exception au sein du parti des Républicains revient à Joëlle GARRIAUD-MAYLAM qui critique cette prise de position de son propre parti sur son site :
Se réfugier derrière « Bruxelles » pour ne pas assumer ses positions. Trop souvent est avancé l’argument de la nécessité de subordonner l’évolution de la législation nationale à des changements du droit communautaire. Dans un grand nombre de cas, c’est un prétexte. Fervente militante de la construction européenne, ce type de processus m’est insupportable. Car à force d’invoquer l’Europe pour justifier nos lâchetés, on attise l’euroscepticisme. En l’occurrence, s’agissant des néonicotinoïdes, la France pouvait, à mon sens, les interdire sur son sol sans enfreindre le droit communautaire.
Se défausser de ses responsabilités et rendre opaque le processus de décision en laissant le soin à des « agences » (dans le cas des néonicotinoïdes, l’ANSES) une marge décisionnaire extrêmement vaste et mal définie. Dans le cas des néonicotinoïdes, conditionner l’interdiction à l’existence de substituts des reconnus par l’ANSES comme plus favorable à l’environnement revient à repousser aux calendes grecques toute réelle interdiction. Si la dangerosité des néonicotinoïdes est avérée (et personne, dans le débat, ne l’a contesté) c’est au législateur, me semble-t-il de donner l’impulsion pour que l’industrie accélère le développement de substituts.
Joëlle GARRIAUD-MAYLAN
De nombreux Sénateurs du Groupe UDI - UC et du Groupe Socialiste se sont abstenus suite à la suppression par Les Républicains de l'alinéa instituant l'interdiction totale des insecticides néonicotinoïdes au 1er juillet 2020. Comme le rappelle une majorité de Sénateurs UDI - UC dans leurs emails :
Compte tenu de la diffusion d’un certain nombre d’informations inexactes, il est important de repréciser le déroulement du vote au sénat du projet de loi Biodiversité.
Bernard Lalande souhaitant des mesures justes et adaptées concernant les risques inhérents à l’utilisation de pesticides avec néonicotinoïdes, il a cosigné l’amendement présenté par la sénatrice de Charente Nicole Bonnefoy, qui permet de préciser les conditions dans lesquelles ces substances actives seront progressivement remplacées et interdites en France.
Cet amendement se réfère aux compétences de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation de l’environnement et du travail, laquelle travaille aussi en relation avec l’EFSA, afin d’établir un processus pragmatique d’interdiction qui réponde précisément aux risques, et ne puisse être remis en cause ultérieurement. Ces études n’incriminent pas à c stade l’ensemble des néonicotinoïdes. C’est pourquoi cet amendement s’articule sur 3 phases :
- Il demande à l’ANSES un rapport avant la fin de l’année 2016, dressant un bilan bénéfice-risque de l’usage des néonicotinoïdes par rapport aux produits ou méthodes de substitution disponibles. À partir de ce bilan, l’ANSES interdira, dès le 1erjuillet 2018, l’usage des néonicotinoïdes pour lequel un produit présentant un bilan plus favorable existe.
- A compter du 1erjuillet 2018, il donne une mission permanente de vigilance à l’ANSES en lui demandant d’interdire tout usage de néonicotinoïde dès lors qu’une nouvelle méthode ou qu’un nouveau produit de substitution présente un bilan plus favorable, dans un délai de 4 mois maximum.
- Enfin, il posait le principe d’une interdiction générale, à compter du 1erjuillet 2020, de tous les néonicotinoïdes. Ce délai de 3 ans permettait ainsi aux différents acteurs d’anticiper et de s’organiser en conséquence.
Cet amendement a été, dans un premier temps, adopté. Mais un amendement rectificatif présenté par une sénatrice Les Républicains et voté par la majorité sénatoriale de droite a annulé la 3ème phase et la date butoir du 1er juillet 2020.
Sur cet amendement rectificatif de Mme Primas, le groupe socialiste s’est abstenu pour assurer l’adoption des 2 premières conditions de l’amendement de Mme Bonnefoy, qui apportent de vraies avancées. Un vote majoritairement contre l’amendement rectificatif de Mme Primas aurait conduit la majorité sénatoriale de droite à voter un amendement annulant complètement l’amendement de Mme Bonnefoy.
Il faut maintenant poursuivre dans la plus grande transparence, aller plus loin dans la limitation de l’utilisation des néonicotinoïdes, à partir des 2 dispositions votées et décider de l’interdiction des néonicotinoïdes en France dès que possible.
Bernard Lalande, comme ses collègues, regrettent que le Sénat ne se soit pas engagé par un vote massif en faveur de la biodiversité, dans le sens de notre santé, de notre environnement, de notre histoire. Le texte résultant des modifications apportées par les sénateurs de droite écartent bon nombre des dispositions progressistes en la matière.
Les sénateurs socialistes ont fait le choix de l’efficacité plutôt que de la posture. Compte-tenu de la position de la droite sénatoriale, il n’était pas possible d’obtenir davantage à ce moment du débat. C’est notamment grâce à l’engagement des sénateurs socialistes qu’une interdiction partielle des néonicotinoïdes pourra être effective dès 2018.
Bernard LALANDE
Il faut bien se rendre à l'évidence que la Droite Républicaine reste majoritaire au Sénat comme le montre cette infographie :
Et la suite de cette loi ?
La dernière étape de cette loi aura lieu mercredi 25 mai 2016 en commission mixte paritaire en présence de
Sénateurs :
- Hervé Maurey (UDI-UC)
- Jerôme Bignon (Les Républicains)
- Sophie Primas (Les Républicains)
- Rémy Pointereau (Les Républicains
- Nicole Bonnefoy (Parti Socialiste)
- Jean-Jacques Filleul (Parti Socialiste)
- Évelyne Didier (Groupe Communiste).
Députés :
- Jean-Paul Chanteguet (Parti Socialiste)
- Geneviève Gaillard (Parti Socialiste)
- Viviane Le Dissez (Parti Socialiste)
- Chantal Berthelot (Parti Socialiste)
- David Douillet (Les Républicains)
- Jean-Marie Sermier (Les Républicains)
- Dino Cinieri (Les Républicains)
Tout n'est pas perdu car il est encore possible que cette commission mixte paritaire ajoute à nouveau une interdiction totale des insecticides néonicontinoïdes mais il est évident que Les Républicains vont faire une pression énorme pour qu'il n'y ait pas d'interdiction totale...
Pourquoi est-ce que Les Républicains ne souhaitent pas une interdiction totale ?
Cette réflexion n'engage que moi mais à force de tenter de comprendre les méandres de la Répulbique, au travers de ses instances, ses commissions et ses organismes... Je pense très sincèrement que le parti Les Républicains est gangréné par des lobbyistes de l'industrie des semences et de l'industrie pétrochimique. Luc Chatel, président du Conseil National des Républicains annonçait même le 14 février denier :
Les Républicains doivent être le parti du gaz de schiste, des OGM, des biotechs
Les insecticides néonicotinoïdes se retrouvent pour leur grande majorité dans l'enrobage des semences car ces insecticides sont tellement puissants (5000 à 10000 fois plus toxiques dans l'environnement que le DDT), qu'ils protègent les plantes des dits "ravageurs" tout au long de leur croissance. Si ce type d'insecticide est supprimé, c'est tout un pan du système économique agricole qu'il faut repenser ! Cette manne économique promue d'ailleurs par Xavier Beulin, président de la FNSEA, ne doit pas à leurs yeux (et à leurs comptes en banque) s'arrêter. Leurs intérêts sont en jeu, ils souhaitent depuis toujours une agriculture ultra-tractoriste et sous perfusion du pétrole car leur sécurité financière est basée sur ces principes...
Guillaume Bodin
Cet article fait suite à une lettre adressée aux 348 Sénateurs et ayant reçu 36 réponses de leur part !
Mots-clés: neonicotinoides, insecticide, sénat, sénatueurs, les républicains