La métamorphose des plantes
Goethe ne fut pas seulement l’un des plus éminents poètes allemands du 18e siècle. Naturaliste émérite, il étudia la physique, la minéralogie et la biologie. Au cours de sa carrière dans les affaires publiques, il réalisa de nombreuses observations et constitua maintes collections. Dans le cadre de ses recherches en botanique, il examina la constitution et le développement des plantes annuelles. Cette étude fut la première publication scientifique majeure de Goethe. Elle parut pour la première fois en 1790 sous le titre: Essai sur la métamorphose des plantes. Ses conclusions firent grand bruit dans les milieux scientifiques de l’époque. Quoique maintes fois critiqué, l’ouvrage fut réédité plusieurs fois, traduit en plusieurs langues, puis intégré dans les manuels de botanique.
Goethe reprit les recherches de Linné sur la notion de métamorphose pour décrire la modification de la forme dans la nature. Il s’intéressa à l’évolution des différentes formes de feuilles qui poussent de manière successive et différenciée. Ses descriptions détaillées des organes et de leur transformation, fondées sur des exemples pertinents, constituaient une nouveauté pour la botanique de l’époque; et son idée d’un lien de parenté entre les types de feuilles en vertu d’un plan d’organisation commun reste encore valable de nos jours.
La présente édition met en parallèle cette œuvre historique de Goethe avec les dessins contemporains inspirés à Jean-Marie Reynier par le thème de la métamorphose.
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Lorsque l'on parle aujourd'hui de Jonhann Wolfgang Goethe, on pense en premier lieu à ses œuvres lyriques telles Prométhée, Les affinités électives, Les années d'apprentissage de Wilhelm Meister, ou encore Faust. Cependant, Goethe ne fut pas seulement l'un des plus éminents poètes allemands du 18ème siècle. Naturaliste émérite, il étudia également la physique, la minéralogie, et la biologie. Après ses études de droit à Strasbourg et à Francfort, Goethe assura à Weimar la direction de diverses commissions, notamment celles des Mines, de la Chasse, des Ponts et Chaussées, des Affaires militaires et, plus tard encore, du Théâtre et de l'Éducation. En 1779, il devint Conseiller secret et en 1872, se vit confier la direction des Finances de l'État. Durant cette période, Goethe se consacra entièrement à la nature. Il réalisa de nombreuses observations scientifiques et constitua maintes collections.
En physique, Goethe étudia la théorie des couleurs: il rédigea un traité en deux volumes dans lequel il contesta avec obstination la théorie de Newton de la décomposition de la lumière en spectre. Lors de son premier voyage en Italie, il entreprit des études géologiques du Vésuve et réunit une collection de minéraux qui, à sa mort, comptait plus de 17 000 pièces. Alors qu'il était à la tête de l'Éducation, il fonda la première chaire de chimie dans une université allemande. En 1784, au cours de ses recherches en zoologie, Goethe décrivit avec Justus Christian Loder l'os intermaxilaire qu'il avait découvert dans l'embryon humain. Cet os étant également présent chez d'autres invertébrés, Goethe conclut à une structure commune entre les animaux de cet ordre (sous-famille des vertébrés). La présence de cet os intermaxilaire chez l'homme était une indication importante de l'existence d'un lien de parenté entre l'animal et l'homme, et donc de la théorie de l'évolution présentée en 1958 par Charles Darwin et Alfred Russel. Dans le cadre de ses recherches en botanique, Goethe examina enfin la constitution et le développement des plantes annuelles. Il compara les différentes formes des feuilles au sein d'une même espèce et entre diverses espèces, établissant ainsi des liens de parenté entre les types de feuilles.
Cette étude de la botanique de Goethe, ici rééditée, fut la première publication scientifique majeure de Goethe. Elle parut pour la première fois au printemps 1790 sous le titre de Essai sur la métamorphose des plantes. Ses conclusions firent grand bruit dans les milieux scientifiques de l'époque. La Métamorphose des plantes de Goethe fit maintes fois l'objet de critiques de la part des revues scientifiques, mais l'ouvrage fut réédité plusieurs fois et même traduit en français , italien et anglais. Le fruit de ses recherches fut intégré dans les manuels de botanique, où il se trouve encore de nos jours. Afin de faciliter la compréhension de cette oeuvre de Goethe, voici une brève présentation des résultats de ses recherches.
Le concept de métamorphose tire son origine de la mythologie antique. Il désigne en effet la transformation des dieux en animaux et en plantes. Ce concept a été repris par Carl von Linné - l'un des scientifiques les plus importants à l'époque de Goethe - pour décrire le développement progressif ou, plus exactement, la modification de la forme dans la nature. Linné a ainsi désigné comme métamorphoses non seulement les processus de transformation physique chez les insectes, mais aussi les changements intervenant dans les organes des plantes au fur et à mesure de leur évolution, Goethe reprit les recherches de Linné sur la métamorphose et étudia le développement de plusieurs fleurs annuelles (des plantes qui fleurissent, puis meurent après un an). Il décrivit alors les cycles de vie de plusieurs espèces de plantes: d'abord l'embryon qui se développe à partir d'une graine, qui grandit ensuite pour devenir une plante jusqu'à la floraison, son fruit et les graines qu'il contient. Goethe s'intéressa particulièrement à l'évolution des différentes formes de feuilles qui poussent de manière successive et différenciée. Il décrivit les cotylédons de la plantule et compara leur structure et leur aspect aux feuilles qui poussent ensuite sur la tige de la plante (feuilles à la tige) ainsi qu'aux différents types de feuilles qui constituent la fleur en fin de compte. En effet, les fleurs sont constituées de sépales généralement verts, des feuilles de la corolle la plupart du temps colorée, des étamines qui produisent le pollen mâle et des pistils contenant les ovules femelles. En comparant diverses espèces de plantes, Goethe constata des formes de feuilles parfois très distinctes au sein de la même espèce alors que l'on trouvait souvent des formes mixtes ou intermédiaires particulières chez d'autres espèces de plantes. Il décrivit par exemple les feuilles supérieures du souci (Calendula officinalis) comme une forme de transition entre les feuilles à la tige et la corolle d'une fleur ordinaire. Selon lui, les nectaires du souci d'eau (Parnassia palustris) étaient également une forme de transition entre la corolle et les étamines.
Goethe en conclut donc que les feuilles distinctes au sein d'une même espèce n'étaient en fait pas plusieurs organes, mais un seul organe. Et ce dernier se développait de manière différente du fait des divers sucs coulant dans ses veines. Selon Goethe, ces sucs - qui assurent la formation des différents types de feuilles - s'expliquent par une filtration (purification) et un raffinage toujours plus importants des fluides et minéraux que la plante tire du sol grâce à ses racines. Plus ces fluides s'élèvent dans la plante en passant par les différents nœuds (là où la tige de la plante s'épaissit de manière importante et d'où niassent les feuilles), plus ils seraient purifiés. Ils atteindraient ainsi finalement leur degré maximal de pureté avec la fleur et entraîneraient ainsi la formation des étamines et des pistils. La théorie du raffinage des sucs de plantes était fort répandue à cette époque. Cependant, l'enrichissement et le raffinage des sucs évoqués par Goethe se sont révélés bien plus complexes qu'on ne l'imaginait à l'époque.
Les observations rigoureuses de Goethe montrent par conséquent la relation de parenté existant entre les différents types de feuilles dans une même plante. Les descriptions extrêmement détaillées de ces organes et de leur transformation au moyen d'exemples pertinents étaient un phénomène nouveau pour la botanique de l'époque. Ses conclusions établissant un lien de parenté entre les types de feuilles en vertu d'un plan d'organisation commun restent encore valables de nos jours. Cependant, la botanique actuelle considère les différentes feuilles de la fleur comme des organes distincts et indépendants.
Goethe tenta également de décrire de manière compréhensible pour le plus grand nombre de processus de transformation continuelle des formes de feuilles. Il évoqua pour ce faire une alternance d'étirements et de contractions des parties constituantes de la feuille. Ainsi, il y aurait plusieurs étapes dans le développement d'une plante annuelle: tout d'abord, de la graine jusqu'à la croissance maximale de la tige, un étirement de cet organe (les tiges devenant de plus en plus grandes et complexes). Lors de la formation finale de la corolle de la fleur, il y aurait en revanche une contraction (un rétrécissement) de ce même organe. Cette contraction serait ensuite suivie d'un nouvel étirement lors de la formation de la corolle, puis d'une nouvelle contraction lors de la constitution des étamines et des pistils. Enfin, selon Goethe, la même régularité existerait lorsque le fruit grandit après la fécondation, puis que la graine se contracte. Le fruit et la graine étaient donc considérés par Goethe comme le produit d'un seul et même organe.
Goethe étudia en outre le développement des yeux (bourgeons situés à l'aisselle des feuilles). Selon lui, les rameaux latéraux poussant depuis les yeux forment de nouvelles plantes autonomes, créées par multiplication végétative (asexuée), qui restent sur le corps de la plante-mère. Cependant, le fait de les séparer de la plante-mère entraîne la formation de nouvelles plantes-filles (un phénomène souvent utilisé dans les pépinières de nos jours lors de la multiplication des boutures). Enfin, Goethe établit une comparaison entre cette multiplication végétative par les yeux et celle, sexuée, par les fleurs. Il formula donc l'hypothèse que ces deux éléments - les yeux et les fleurs - avaient à nouveau un lien de parenté entre eux et pouvaient donc se transformer l'un dans l'autre par une nutrition différente. Ainsi, de nouvelles branches pousseraient des yeux si l'alimentation était bonne alors qu'en cas d'alimentation pauvre, la formation de fleurs serait privilégiée. Goethe ne pouvait toutefois pas observer cette transformation des yeux en fleurs car il refusait d'utiliser des microscopes grossissants. Il précisait donc que son hypothèse n'était qu'un pur raisonnement de l'esprit, et non une étude avec preuves et sens à l'appui. En effet, les processus à l'origine de la formation des yeux et des fleurs n'étaient pas visibles à l’œil nu et, de ce fait, étaient encore inconnus du temps de Goethe. On observa bien plus tard seulement que des processus cellulaires distincts interviennent lors de la constitution des cellules corporelles des yeux et des cellules germinales de la fleur.
Finalement, Goethe compara ses découvertes aux recherches de Carl von Linné, l'auteur de la théorie de la métamorphose chez les plantes. Linné avait réalisé ses recherches sur des plantes pluriannuelles. Goethe critiqua la théorie de la "Prolepsis plantarum" [Ndt: aussi appelée théorie de l'anticipation] de Linné, dans laquelle il décrivait le développement des fleurs d'un arbre. Carl von Linné avait observé que des fleurs avaient soudainement poussé sur un arbre, alors que celui-ci n'avait donné naissance pendant des années qu'à des branches. Linné émit l’hypothèse que ces fleurs correspondaient au développement accéléré d'une pousse, un phénomène durant normalement six ans. Goethe contesta cette hypothèse. Il fit observer que ses recherches n'avaient pas permis d'aboutir à de telles conclusions car les plantes qu'il décrivait produisaient également des fleurs, mais qu'elles étaient annuelles. De ce fait même, ces fleurs ne pouvaient par reproduire ce processus de développement accéléré sur plusieurs années.
"La Métamorphose des plantes" contient une multitude d'autres observations isolées, décrites avec force détails, qui ne peuvent être mentionnées ici de crainte de lasser le lecteur. Cependant, celui-ci découvrira certainement une foule de détails charmants dans l’œuvre de Goethe. Je conseille aux lecteurs passionnés de biologie de se référer à une édition précédente de La Métamorphose des plantes qui contient des planches de couleur et des dessins originaux de Goethe, ainsi que des explications et des annotations fort détaillées.
La présente édition de La Métamorphose des plantes de Goethe n'est toutefois pas simplement une réédition de cette œuvre historique. Il s'agit du deuxième volume d'une série alliant art et botanique, dans laquelle l'éditeur crée un lien entre l'art contemporain et d'anciens écrits sur la botanique. La Métamorphose des plantes de Goethe a été ainsi mise en parallèle avec les dessins contemporains de Jean-Marie Reynier sur le thème de la métamorphose. Les fleurs annuelles imaginaires créées par l'artiste n'ont, certes, pas de lien direct avec les écrits botaniques de Goethe, mais ces œuvres de Jean-Marie Reynier parlent aussi de métamorphose - d'une tout autre nature.
Thomas Pauls
(Traduction française de Alexandra Sabato)
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Mots-clés: livre, la métamorphose des plantes, goethe, biologie, essai