Perturbateurs endocriniens, la menace invisible
Que nous arrive-t-il ? Une nouvelle menace, invisible, s’attaque à la santé humaine. Ce sont les perturbateurs endocriniens. Inconnus il y a 25 ans, ils mobilisent aujourd’hui des milliers de scientifiques à travers le monde qui cherchent à percer le secret de ces substances chimiques qui détraquent le système hormonal.
Bisphénol A, phtalates, pesticides, retardateurs de flamme… La liste est longue des produits d’usage courant qui renferment ces centaines de poisons, suspectés de favoriser cancers, diabète, obésité et autres maladies de la reproduction. Ils se trouvent dans l’air que nous respirons, les aliments que nous mangeons, l’eau que nous buvons, dans les habits et les cosmétiques que nous utilisons chaque jour. Un scandale autorisé par la réglementation, exploité par les industriels et toléré par les pouvoirs publics.
Pour la première fois en France, un livre fait le point sur la bombe sanitaire que constituent les perturbateurs endocriniens. Qui sont-ils ? Quand sommes-nous exposés ? Pourquoi sommes-nous si mal protégés ? Une révolution de l’espèce est en cours. Et elle se déroule dans l’ignorance et l’indifférence quasi générales.
Marine Jobert est journaliste, spécialisée dans les questions environnementales. François Veillerette, militant écologiste, est le porte-parole de l’association Générations futures. Ils ont publié ensemble Le Vrai Scandale des gaz de schiste en 2011.
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Préface
La santé est un enjeu universel. Elle est notre préoccupation quotidienne majeure et pourtant notre environnement - de notre alimentation à l'air que nous respirons ou aux objets que nous achetons - peut constituer un risque, voire un danger pour chacun d'entre nous. Comment concevoir que des produits, dont on suspecte qu’ils favorisent cancers, maladies chroniques ou retard de développement, soient utilisés au quotidien? Comment l’imaginer dans une société où les études scientifiques sur les impacts sanitaires de ces substances sont censées être publiques et où le coût financier de la mauvaise santé d’une population est connu ? Impossible de s’y résoudre.
Les perturbateurs endocriniens font partie de ces substances chimiques qui sont préoccupantes. La prise de conscience progresse : pour preuve, l’interdiction en France du bisphénol A dans les contenants alimentaires à partir de 2015. Mais les perturbateurs endocriniens sont nombreux et le chantier est de taille. Or chaque décision tardive, chaque action remise à plus tard risque de constituer peu à peu une injure à l’avenir.
J’ai repris à mon compte cette formule saisie lors de différents entretiens, tant je pense qu’elle est cruciale : « Le XXème siècle fut le siècle de l’hygiène bactériologique, le XXIème doit immédiatement devenir celui de l’hygiène chimique. » À la clé, des millions de vies à sauver. Il ne s’agit pas de susciter la peur, ni de vivre en dehors du monde. Au contraire ! Construisons et partageons un environnement sain, facteur essentiel d’une bonne santé accessible à tous. La première étape de ce projet commun réside dans la généralisation de l’information qui permettra au plus grand nombre de comprendre en quoi consiste notre cadre de vie. C’est ce à quoi cet ouvrage éclairant sur les perturbateurs endocriniens contribue, de manière très pédagogique. La seconde étape impliquera d’énergiques prises de décision et actions publiques. Ce passage à l’acte est essentiel pour notre santé à tous, pour le respect de la vie.
Nicolas Hulot, président de la Fondation Nicolas-Hulot pour la nature et l’homme
Avant-propos à ce monde qui nous perturbe
Résister
« Dans mon école, il y a une élève de CM2 qui est régulièrement prise pour la maîtresse », me raconte, il y a quelques années, une amie, institutrice en primaire. Une gamine de 10 ans, que l’on confondrait avec une professeure des écoles avec au moins cinq années d’études supérieures derrière elle ? Je n’y crois pas, cela me paraît presque absurde. « Tu sais, elles font leur puberté de plus en plus tôt maintenant », m’explique-t-elle alors, sans paraître étonnée. « Et puis je les trouve de plus en plus rondes », ajoute-t-elle. La discussion glisse vers sa maman qui, comme tant et tant de nos mères, se bat contre un cancer du sein. Cette conversation me sort de la tête. Et puis, un jour, je suis enceinte.
Je repense alors à un livre, dans ma bibliothèque. Sur la couverture, des spermatozoïdes se baladent sur un fond bleu. Il y est question de produits chimiques mauvais pour les bébés, le genre de sujet qu’on n’a pas très envie de creuser en temps « normal », parce qu’on sait confusément que ce sont des nouvelles terribles. Mais maintenant que j’attends un enfant, je VEUX savoir ! L’Homme en voie de disparition ? de Theo Colborn, le premier ouvrage jamais écrit sur les perturbateurs endocriniens, va me prendre à la gorge. Soyons honnêtes : après l’avoir lu, j’ai fait des cauchemars pendant plusieurs semaines. Apprendre que des molécules chimiques, présentes partout, menaçaient celui qui m’était déjà le plus précieux des êtres, était insupportable. Je me suis mise à scruter tous mes (mauvais) comportements. Jamais assez... Jamais correctement... J’étais désemparée, affreusement triste et très en colère devant mon impuissance.
Un matin, j’ai recroisé mon amie institutrice. Et j’ai repensé à son élève poussée trop vite en graine. À ces gamines trop en chair. À sa maman si malade. Et j’ai compris que moi, vous, tout le monde était pris dans une même tourmente chimique qui nous détraquait. Et qu’il ne fallait pas se résigner à cet empoisonnement, mais résister, avec ses moyens, à son échelle.
Les perturbateurs endocriniens, avant de potentiellement bouleverser mon corps et celui de mon enfant, ont bouleversé ma perception du monde. Sans devenir méfiante, j’ai appris à me méfier. Me méfier des étiquettes à rallonge et des ingrédients incompréhensibles des gels douche. Des canards jaunes du bain et des boîtes en plastique de la cuisine. De la belle pomme sans défaut et de l’eau du robinet. J’appelle ça l’« hygiène chimique » et cela consiste surtout à s’abstenir. À renoncer, sans regret, à tout un tas de produits qui me semblaient si « nécessaires » la veille encore.
Oui, j’ai perdu en insouciance. Car j’ai compris que ceux qui nous gouvernent ont abandonné notre santé aux mains d’industriels dont le métier n’est pas de nous protéger. Oui, mon regard sur la marche du monde s’est modifié. Car j’ai compris que la science qui nous ouvre tant de portes peut aussi nous empoisonner intimement. Mais j’ai énormément gagné en lucidité, en courage et en liberté. J’espère que ce livre, passé la sidération, aidera ses lecteurs à agir. Et à résister.
Marine Jobert
Lis ce livre !
« Lis ce livre ! C’est incroyable ce que tu vas découvrir de l’impact des produits chimiques sur le système hormonal ! » Celui qui me parle ainsi, un jour de 1997, brandissant devant moi la version française du livre de Theo Colborn, L’Homme en voie de disparition ? c’est mon mentor Georges Toutain. Un agronome à la fibre très écolo, avec qui j’ai fondé l’association Générations futures[1] l’année précédente. Un livre essentiel, dont les enjeux vont passer bien au-dessus de la tête de la quasi-totalité de la population et des politiques. Mais pour Georges et moi, ce sera un vrai choc. Car fonder une association qui se bat pour les générations à venir et découvrir que leur avenir pourrait bien être menacé par une myriade de substances chimiques pouvant compromettre leur capacité à se reproduire, c’est bouleversant ! Ce livre marque un tournant essentiel dans ma vie de militant. La cause des perturbateurs endocriniens ne va plus me quitter.
En 2002, je publie un premier livre sur les pesticides, dans lequel j’évoque les perturbateurs endocriniens. En 2007, j’amène, avec d’autres, la question des perturbateurs endocriniens à la table du Grenelle de l’environnement. En 2009, je milite pour que l’Europe prévoie l’exclusion des pesticides ayant des effets de perturbation endocrinienne : une première dans l’arsenal législatif communautaire. En 2011, Marine Jobert et moi écrivons le premier livre français sur les gaz de schiste ; il y est encore question de perturbateurs endocriniens, puisque des produits utilisés pour la fracturation hydraulique en contiennent. En 2013, je collabore à la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, avec l’espoir que les positions françaises fassent école en Europe.
Avec ce livre, j’ai l’impression d’être au cœur de ce sujet à la fois fascinant et effrayant. Vous qui l’ouvrez, je vous invite à découvrir les questions que Marine et moi nous sommes posées... et les réponses que chacun peut essayer d’apporter pour gagner ce défi de santé publique !
François Veillerette
[1] À l’époque, l’association s’appelait MDRGF : Mouvement pour les droits et le respect des générations futures.
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