Vigne : le retour à la terre
« Pour dominer un peuple, il faut lui donner mal à manger et à boire. De la sorte, il perd le sacré de la nourriture ». Par ces mots, le philosophe spiritualiste Rudolph Steiner (1861-1925) fondateur de la biodynamie, soulignait le lien intime qui existe entre un peuple, un lieu et sa nourriture. De son enracinement donc. Autrement dit encore, de son rapport au monde ; « de son sens critique et de son niveau de conscience », précise même Olivier Jullien, un des vignerons interrogés dans le DVD La Clef des Terroirs.
Qu'est-ce donc que la biodynamie ? D'abord une humilité : celle de se pencher sur son sol et de se plier à sa spécificité et à ses exigences pour tenter d'en comprendre un peu le fonctionnement et les interactions (énergétiques, astrales). En d'autres mots, d'en comprendre la vie même, la façon dont la vigne prend corps dans les profondeurs du sol pour permettre l'élaboration de cette création purement humaine : le vin. La vigne est en effet une liane qui ne demande qu'à pousser. Il faut donc la contraindre. « Faire du vin, c'est trouver un équilibre entre un fruit et sa destination naturelle : le vinaigre », explique Jean-Philippe Bret, vigneron dans le Mâconnais.
La biodynamie se développe et inspire qualitativement toute une nouvelle génération de vignerons : « La méthode bio apporte une finesse de maturité », précise Aubert de Villaine, gérant du prestigieux domaine de la Romanée-Conti, passé en biodynamie depuis bientôt dix ans.
Exit le tout chimique des deux dernières générations de vignerons, où le paysan – celui qui fait le pays – s'était mué en « exploitant agricole ». Car, au delà du bilan de ces générations que l'on découvre aujourd'hui – des sols appauvris, voire des morts, des terroirs sinistrés -, c'est tout un savoir-faire du travail du sol qui a disparu et qu'il faut redécouvrir.
Ici donc, point de chimie, ou très peu. L'enjeu est de taille – avant tout, la recherche obstinée de l'expression du terroir : l'individualité d'un cépage, d'une parcelle, d'un domaine, voire d'une année. Ne reste au consommateur, curieux de découvrir quelques jolies pépites, qu'à appliquer le programme défini par Pierre et Catherine Breton, vignerons en Loire : « épaulé, jeté ».
David Sellos
La clef des terroirs, un film de Guillaume Bodin, éditions Montparnasse
DVD disponible le 2 Mai, 15 euros.
Biodynamie : suivez le guide !
A lire également, le Guide des vins en biodynamie, qui répertorie les domaines passés en biodynamie avec un système de notation qualitative des différents vins. Une grande première pour un guide appelé à s'enrichir d'année en année, au gré des conversions successives des domaines en biodynamie. Ceci d'autant plus sûrement que la demande de vins de terroirs de qualité explose, comme en témoigne également le guide des cavistes proposant ces vins. Bonne nouvelle, ils ne sont pas tous répertoriés. Manquent notamment, rien que dans l'Ouest : « Le Garage à vins » (Le Pouliguen), « La vie en rouge » (Mortagne-au-Perche) ; etc. Cherchez bien près de chez vous.
D.S.
Guide des vins en biodynamie,
éd. Féret, 256 p., 19,95 euros.