Garder la vigne ? - Alternatives Économiques
Les vignobles reçoivent plus de 20 % des pesticides répandus dans l'Hexagone pour à peine 3 % des surfaces cultivées. Parfois obligatoire, leur usage est pourtant délétère.
Ouvrier viticole dans le Mâconnais, Guillaume est un jour pris de nausées et de saignements de nez. Rapidement, le jeune homme soupçonne les pesticides épandus sur les vignes dans lesquelles il travaille. Apprenant l'existence d'un arrêté préfectoral qui impose leur usage, il décide d'enquêter sur le sujet. Caméra à l'épaule, il rencontre ainsi divers acteurs : viticulteurs, agronomes, toxicologues. Manquent seulement à l'appel les fabricants desdites substances et les autorités, curieusement réticents à s'exprimer. Le résultat : un film édifiant, qui documente une énième conséquence délétère de la logique productiviste.
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Droits du vin
Récapitulons : la flavescence dorée est une maladie mortelle et contagieuse pour la vigne. L'agent responsable, un phytoplasme, est véhiculé notamment par la cicadelle, petit insecte qui se nourrit de sève. Redoutant une épidémie, le préfet de Saône-et-Loire a décidé en 2012 d'obliger par arrêté tous les viticulteurs de son département à asperger d'insecticides leurs plants à titre préventif. Mieux vaut prévenir que guérir, comme dit l'adage. Mais l'autre adage qui veut qu'on ne tue pas une mouche avec un canon est plus adapté à la situation. Car en plus de la cicadelle, ce sont la plupart des insectes qui pollinisent, aèrent les sols ou éliminent les parasites qui sont décimés. "On finit par détruire les insectes utiles et favoriser la résistance des pestes" plutôt que l'inverse, explique ainsi un agronome. Avec comme conséquence de mettre en cause les particularités du terroir, mais aussi la viabilité des plants.
En fin de compte, c'est la santé des humains qui est menacée : des agriculteurs au premier chef, mais aussi des riverains et des consommateurs en bout de chaîne. Il faut se méfier des discours se félicitant de la baisse des volumes de pesticides utilisés, car les néonicotinoïdes actuels sont environ 5 000 fois plus toxiques que le DDT utilisé à la Libération. Cela fait pourtant plus d'un demi-siècle que les effets cancérogènes sur les humains sont connus. Mais les pouvoirs publics rechignent à entendre les collectifs de victimes des produits phytosanitaires, et même à prendre des mesures simples, comme interdire les épandages à proximité des écoles. Le principe de précaution est décidément à géométrie variable. Pire, les représentants de l'Etat n'hésitent pas à poursuivre les agriculteurs qui osent braver leurs ordres, comme en a fait les frais le lanceur d'alerte Emmanuel Giboulot, finalement relaxé en appel.
D'autres moyens existent pourtant pour lutter contre la flavescence dorée, mais sans doute contribuent-ils moins au produit intérieur brut à court terme… Comme on disait naguère qu'il est interdit d'interdire, il apparaît aujourd'hui urgent d'arrêter certains arrêtés.
Igor Martinache
Insecticide mon amour par Guillaume Bodin
Éditions Montparnasse, 15 euros, également disponible en VOD.
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