[REBELLE-SANTÉ] Guillaume Bodin nous parle de son nouveau film
Guillaume Bodin, vigneron et documentariste de son état, est aussi un amoureux de la vigne et de la terre vivante. Après avoir dévoilé dans deux précédents documentaires les mystères du vin biodynamique, et montré l'aberration de l'utilisation des pesticides, il s'intéresse maintenant à la situation dans nos villes et villages. L'abandon des pesticides par les municipalités et le passage au bio des cantines scolaires sont les thèmes développés dans le film qu'il est en train de finaliser et dont Rebelle-Santé est partenaire.
Guillaume et la culture bio, c'est une vieille histoire. Ce jeune homme, qui affiche le petite trentaine sportive, est à la fois vignerons, ou plutôt ouvrier agricole, comme il le précise, et cinéaste. Curieux mélange, mais précieux. Ce lien à la terre et à la réalité nourrit une vision documentaire pointue et pleine de bon sens, mais surtout engagée vers la vie et le respect du vivant.
Fils d'artisans de Haute-Savoie, il a grandi au pied des montagnes à Chamonix, passant son temps à ramasser des fleurs. À 11 ans, un ami de la famille, vigneron, l'invite à découvrir son domaine. Ce sera un premier contact, une première vocation, qui le décidera à suivre un cursus de formation dans la vigne et dans le vin.
Une formation de terrain
Pas vraiment satisfait de ce qu'il apprend à l'école, il décide, en BTS, de faire ses études en alternances, passant la moitié de son temps dans des vignes cultivées en bio et en biodynamie. Mais ce qu'il y découvre est bien éloigné de ce qu'on apprend dans sa formation, où le bio est quasi inexistant. Finalement, confronté à l'incompréhension de ses profs et de ses collègues de classe, lui vient l'envie de témoigner de son expérience de terrain. Il achète ainsi sa première caméra pour tourner son premier film, La Clef des Terroirs, où il explique au plus grand nombre ce qui se cache derrière le vin bio ou biodynamique.
Deux ans plus tard, après être retourné dans les vignes de Bourgogne, toujours dans une exploitation bio, il se retrouve victime des pesticides à cause d'épandages de parcelles voisines. Saignements, maux de tête, ces troubles le décident à reprendre sa caméra, d'autant que son ami vigneron, Emmanuel Giboulot, s'est retrouvé au tribunal pour avoir refusé de traiter sa vigne aux insecticides. Cela donnera son second film Insecticide Mon Amour pour soutenir le combat des vignerons qui refusent d'utiliser ces produits chimiques mortifères.
Plus près du public
Dans cette logique, il continue son travail de pédagogue avec son dernier film Zéro Phyto 100% Bio. Cette fois, il s'intéresse aux initiatives des villes et des villages qui, d'une part, se débarrassent de tous les produits phytosanitaires (entendez les pesticides), les « zéro phyto », et d'autre part, en complément logique, les collectivités qui privilégient le bio dans les cantines scolaires, les « 100% bio ».
Pour Rebelle-Santé, qui soutient son film, il nous en dit plus sur cette dernière production.
R.S. Quelle est l'idée de ce film ?
Guillaume Bodin : Il émane du projet Zéro phyto 100% bio lancé il y a 5 ans par trois associations qui se sont regroupées : Générations Futures, Bio Consom'acteurs et Agir pour l'environnement.
Le « zéro phyto » l'idée d'arrêter totalement les pesticides dans les villes et les communes avant que la loi Labbé n'existe. Avec cette loi, depuis le 1er janvier, tous les pesticides et insecticides sont interdits dans les communes.
Ensuite il y a le « 100% Bio » qui concerne les cantines des écoles. Certaines ont commencé à proposer quelques aliments bio aux enfants, d'autres sont à 100% bio. Une loi a été discutée pour soutenir cette idée, mais beaucoup reste encore à faire. Le film est là pour soutenir les actions de ces communes « zéro phyto 100% bio ». Sachant que, même s'il y a une loi, toutes les communes ne vont pas passer du jour au lendemain au zéro phyto. Le but est de montrer des villes exemplaires, comme Versailles, Grande Synthe, Miramas ou Laurénan en Bretagne. Sur le bio dans les cantines, vu que la loi ne concerne que 20% de bio, j'ai voulu montrer qu'on peut aller beaucoup plus loin avec 70, 80, 100% de bio comme à Mouans-Sartoux ou à Barjac (1).
Le restaurant scolaire de Barjac : 250 repas bio servis chaque jour.
Est-ce compliqué pour une ville de passer au zéro phyto ?
C'est souvent l'idée d'une personne qui a envie de changer les choses. Ce sont soit les responsables des espaces verts, soit directement les maires qui lancent le mouvement. Certains ont pris le virage il y a plus de 10 ans, à une époque où ces sujets n'étaient pas vraiment à la mode. Et ce n'est pas si compliqué. De nombreux pépiniéristes ou paysagistes trouvent anormal que du nord au sud de la France, on trouve les mêmes plantes. Il faut donc adapter au milieu et trouver celles qui soient le moins consommatrices de pesticides, d'eau et de main-d'oeuvre. Cela permet de libérer du temps pour que les jardiniers fassent du désherbage manuel plutôt que chimique. C'est un peu comme en agriculture biologique, où on essaie de minimiser certains travaux pour libérer du temps, pour mieux s'occuper de la plante. C'est une autre façon de fonctionner.
Quelles sont les dynamiques qui se mettent en place dans ces villes ?
Il faut réussir à mobiliser une équipe, faire comprendre que c'est possible car souvent, il y a des réticences. On a besoin de pédagogie et ces communes exemplaires ont déblayé le terrain. Aujourd'hui, on peut s'inspirer de ces expériences. Les associations ont aussi réalisé des plaquettes et des guides pour aider les collectivités, on peut les trouver notamment sur le site de Zéro phyto 100% bio.
Pour le volet bio, là aussi, il faut convaincre ?
C'est toujours un travail pédagogique pour montrer que c'est possible. 20% de bio à la cantine, c'est facilement réalisable car, sur un plateau-repas, c'est le pain ou le yaourt. L'idéal serait que ce soit du bio local. Pour le « 100% bio », ce sont des communes assez engagées, notamment avec des convictions fortes au niveau social. Elles estiment que c'est important que les enfants mangent des produits de bonne qualité car cela les éduque sur le long terme, et cela fait des individus un peu différents, car ils goûtent, ils aiment manger autrement. Souvent, quand on fait du 100% bio, on cuisine sur place, ça change tout.
Distribution de kiwis à Barjac.
Cela demande un engagement fort...
Surtout sur le long terme, car ça coûte plus cher de cuisiner sur place. Mais sur le très long terme, le bio permet de sortir des agriculteurs de la misère, car la crise agricole d'aujourd'hui est liée en partie à l'industrialisation et à une agriculture chimique. Le bio permettrait de s'en sortir. Et puis, nourrir les enfants avec du bio permet de réduire les problèmes de santé. Cela a aussi un impact indirect sur la santé à travers l'eau potable. Car l'argent investi pour retraiter l'eau polluée par les produits chimiques pourrait être utilisé pour subventionner l'agriculture biologique. Cela aussi coûte cher, mais c'est un enjeu de santé publique sur le long terme. Cette logique crée aussi de l'emploi local, en faisant travailler les gens sur place, qui deviennent des acteurs économiques.
Avec le « 100% bio », parle-t-on aussi du végétarisme ?
Oui, l'idée est de tendre vers plus de végétarisme. Aujourd'hui, on peut tout à fait sortir de la crise de l'élevage en consommant moins de viande, mais de la viande de meilleure qualité. Ce sera de la viande mieux valorisée pour l'agriculteur. Et puis, il sera moins malade car il n'utilisera pas de produits chimiques. Cela permet donc au secteur de l'élevage d'imaginer une transformation vers l'agriculture biologique.
Est-on-prêt à diminuer la consommation de viande dans les cantines ?
Les leaders de ces projets sont des gens engagés, donc la diminution de la consommation de viande, pour eux, fait partie de l'étape d'après. De plus en plus de cantines essayent d'enlever viande et poisson pour les remplacer par d'autres protéines beaucoup moins énergivores, comme les œufs, ou des protéines végétales, comme les légumineuses. C'est important de ne pas être extrémiste. Il faut en parler, on peut le proposer, mais on ne peut pas imposer aux enfants de ne pas manger de viande. C'est un choix personnel.
Les enfants de la cantine Bio de Barjac.
Le film a été réalisé sur un mode particulier avec un financement participatif...
J'ai fait mes précédents films entièrement seul, du tournage au montage, jusqu'à la distribution en passant par l'étalonnage. Là, j'avais quand même besoin de financement, notamment pour le montage et la distribution, alors j'ai lancé un financement participatif. On a récolté 80 000€. 1500 personnes ont participé. Il y a eu des partenaires qui ont donné un peu plus, comme Rebelle-Santé. Cela permet d'être accompagné sur la production en 2D et 3D. Il y a aussi des personnes qui ont proposé de m'aider bénévolement, comme Marion Vincent-Royol, qui m'offre la musique originale.
Le « Zéro Phyto » et le « 100% bio » ont évidemment un impact sur la santé, de ton côté, comment te soignes-tu ?
Je crois que je n'ai pas pris d'antibiotiques depuis trois ou quatre ans. La dernière fois, c'était lorsque j'étais un peu malade au Pérou, j'en ai pris pour éviter d'avoir la tourista dans l'avion. Ma mère nous a toujours soignés avec de l'homéopathie, on n'a eu quasiment aucun vaccin, on a réussi à passer au travers. On connait des gens qui ont eu des enfants qui sont devenus handicapés à cause des vaccins, ce n'est donc pas anodin. On a toujours mangé bio à la maison et je continue. Dès que je peux, je me fais soigner aussi par ostéopathie. Et puis, j'ai eu besoin d'avoir, à un moment donné, un soutien psychologique car j'ai vu beaucoup d'accidents graves en montagne. Pour cela, la kinésiologie m'a beaucoup aidé. Un jour, si j'ai le temps, je suivrai une formation à la kinésiologie...
Propos recueillis par Christophe Guyon pour le magazine Rebelle-Santé.
(1) Barjac a reçu le 1er prix des « communes bio » de 1000 à 2000 habitants, et le 3e prix des « communes bio sans pesticides » de la campagne « Zéro phyto 100% Bio ».
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