[LIBÉRATION] Un documentaire garanti 100% bio
Par Jacky Durand - 31 janvier 2018
Article original sur le site next.liberation.fr
Avec son film «Zéro phyto 100% bio», le vigneron et réalisateur Guillaume Bodin sillonne une France débarrassée de la chimie dans les jardins et l'assiette.
Oyez, oyez, citoyennes et citoyens mangeurs, jardiniers solidaires et herboriseurs du bitume, courez voir le nouveau documentaire de Guillaume Bodin qui sort ce mercredi au cinéma. Le titre, Zéro phyto, 100% bio, claque comme un slogan jubilatoire alors que le gouvernement examine ce mercredi le projet de loi issu des Etats généraux de l’alimentation. Entre road-movie et état des lieux, ce film donne à voir des femmes et des hommes pour qui cantines biologiques et arrêt des pesticides dans les communes s’inscrivent dans une réflexion et une stratégie globale sur l’avenir de notre boire et de notre manger, de l’agriculture et l’environnement.
A 31 ans, Guillaume Bodin tient son sujet comme un vieux routier de la cause écologique qu’il incarne à travers des sentiments – «Nourrir, c’est aimer», dit l’un de ses interlocuteurs mais aussi la froideur clinique des chiffres. En 2013, 220 pesticides différents ont été détectés au moins une fois dans 70% des nappes phréatiques de la France métropolitaine. Le coup de la dépollution de l’eau serait supérieur à 54 milliards d’euros par an. Autre piqûre de rappel : selon une étude de 2010, nous absorbons chaque jour dans notre alimentation 81 substances chimiques dont 36 pesticides, 47 cancérigènes suspectés et 37 perturbateurs endocriniens suspectés. Guillaume Bodin sait d’autant plus de quoi il parle qu’il est tout à la fois vigneron et réalisateur. On lui doit la Clef des terroirs (2011), vibrant plaidoyer pour les vins au plus près de la nature, sans saloperie chimique. Ce premier film vendangea de nombreux prix.
Saignements de nez
Mais surtout, en 2013, Guillaume Bodin a réalisé Insecticide mon amour, un documentaire né quand un arrêté préfectoral imposa en Saône-et-Loire un traitement contre la flavescence dorée, une maladie mortelle de la vigne. Alors que les vents soufflaient à 60 km/h, trois semaines d’épandage provoquèrent chez Guillaume Bodin des maux de tête et saignements de nez quotidiens. «Moi qui croyais que l’on pouvait produire du vin en parfaite harmonie avec la nature, je devais être un peu naïf», disait-il en préambule du film, où tous, vignerons, scientifiques, écologistes, s’accordaient sur l’inanité et la nocivité de traitements systématiques et aveugles, alors que des viticulteurs militaient pour des interventions aux seules zones contaminées.
Dans Zéro phyto, 100% bio, Guillaume Bodin pose sa caméra dans plusieurs communes françaises qui n’ont pas attendu l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2017, de la loi Labbé interdisant l’utilisation de pesticides dans les espaces publics pour changer de pratiques. Tout n’a pas été sans prise de bec quand il s’est agi de remplacer le désherbant par la pioche pour arracher le chiendent. «Les gens hurlent quand ils voient de l’herbe pousser sur les trottoirs, ils me disent "la ville n’est pas propre", raconte Frédéric Vigouroux, maire de Miramas (Bouches-de-Rhône). Il faut faire de la pédagogie. Je leur explique qu’arracher l’herbe à la main, ça prend du temps et que nous faisons cela aussi pour que l’eau qui coule de leur robinet ne soit pas retraitée.» A Versailles (Yvelines), Cathy Biass-Morin, la directrice des espaces verts, confie qu’elle a «pu subir des pressions des lobbys phytos qui n’étaient pas forcément satisfaits que l’on puisse passer à budget constant à zéro pesticide».
Légumes de saison
Mais le no phyto gagne de plus en plus les esprits comme l’explique le maire de Grande-Synthe (Nord), Damien Carême : «Quand nous avons créé les jardins partagés au pied des immeubles, nous avons eux 30% puis 50% des gens intéressés. Aujourd’hui, ce sont les habitants qui nous demandent de faire des jardins. Les services techniques de la ville les conseillent pour cultiver sans produits phytosanitaires. Tout cela s’accompagne d’ateliers sur la biodiversité, de partage des récoltes, de cours de cuisine pour varier les plaisirs autour des légumes de saison.»
Plusieurs élus interviewés inscrivent cette démarche environnementale dans une politique englobant le social, l’éducation, la culture. «La décision politique, elle peut venir aussi du cuisinier de la cantine scolaire qui va dire à son gestionnaire "J’en ai marre d’ouvrir des sachets en poudre, ce n’est pas ça mon métier, moi je sais faire des sauces", affirme Daniel Cueff, maire de Langouët (Ille-et-Vilaine). Ça n’a pas été si compliqué que ça de passer les repas en bio. Nous avons trouvé des producteurs locaux. Il n’y a pas de surcoût par rapport aux repas classiques.» A Barjac (Gard), les parents paient 2,50 euros pour les repas de leur enfant, un prix qui n’a pas augmenté depuis le passage en bio, notamment grâce à la réduction du gaspillage alimentaire.
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