Nicolas JOLY - La vérité du goût - L'INTERVIEW
Nicolas JOLY est une des personnalités du monde de la biodynamie, c'est d'ailleurs l'une des premières personnes avec qui j'ai fait connaissance de cet univers au travers de son livre "Le vin, du ciel à la terre" que j'ai lu alors que j'avais une quinzaine d'années et dans lequel l'approche était relativement compliquée pour moi à l'époque. J'ai même décidé de ne pas le rencontrer lors du tournage de "La Clef des Terroirs" en 2010 pour laisser la place à la jeune génération de vignerons. Suite à plusieurs rencontres ces dernières années, j'ai fini par mieux le comprendre et à suivre une conférence qu'il a donné au Domaine dans la grange de Marie-Thérèse Chappaz, son discours m'a paru plus clair que dans son livre et c'est ainsi que je suis allé le rencontrer chez lui au Château de la Roche aux Moines, là où naît la Coulée de Serrant en Anjou. Voici un bref extrait de son interview où il expose "La vérité du goût", il souhaitait vraiment en parler et que je mette sa vision de l'appellation sur le net !
L'interview - Nicolas Joly
La vérité du goût c'est avant tout le respect le plus profond du concept d'une appellation contrôlée. Cette création géniale qui dit sur ce lieu-là, cette plante-là s'exprime tellement bien qu'on va faire une protection pour que les consommateurs du monde entier puissent avoir accès à l'originalité de ce goût. Admirable ! Qu'est-ce qu'il reste d'une appellation contrôlée ? Des clous... Il reste toute la paperasse.
À partir du moment où on a le droit de détruire le sol, qui est 50% du terroir, on a le droit d'empoisonner ce qui capte la climatologie, ça s'appelle la sève, comme je l'ai expliqué tout à l'heure. Et à partir du moment où on a le droit d'utiliser plus de 300 levures arômatiques, souvent obtenues par génétique, au cellier. Plus des concentrateurs qu'on appelle osmose. Plus des phosphates, plus des enzymes, plus des corrections d'acidité. Qu'est-ce qui reste de l'originalité du lieu ? Des queues de cerises ! Donc.. c'était très important, c'est pour ça que j'ai fait le groupe"Renaissance des Appellations".
C'était très important de donner un accès aux consommateurs à des goûts qui sont à nos yeux une parfaite expression de l'originalité d'un lieu. Et ça finalement on l'a résumé sur la non-vérité d'un goût.
Quels sont les journaux ? Alors je sais que les journaux pour vivre sont tenus à des budgets publicitaires. Et pour avoir des budgets publicitaires il faut avoir des hauts rendements et pour avoir des hauts rendements il faut être en agriculture conventionnelle balancée au cellier par de la chirurgie esthétique sans ça ils seraient invendables. Mais quels sont les journaux qui parlent de la vérité du goût ? Mais jamais les journaux spécialisés, jamais... J'ai 50 exemples de journalistes à qui j'ai expliqué, on ferme sa gueule ou peut être qu'on est viré... Peut-être que pour faire vivre sa famille il faut fermer sa gueule ? Mais je vais dire... C'est un assassina de tous ces groupes qui je dirais contrebalance une vie excessive, enfin une vie un peu asservissante de bureau par exemple par la découverte des vins, c'est une excellente idée ! Mais je veux dire, ils n'ont pas souvent idée que le goût qu'ils ont dans leur verre peut être un goût à 80% artificiel.
Je trouve ça honteux ! C'est honteux !
Alors donc cette notion de vérité du goût si on veut vraiment arriver à une vérité de goût il faut 1 - diminuer les rendements dans beaucoup de cas pas dans tous les cas mais dans beaucoup de cas. Et il faut 2 - une compréhension de la biodynamie pour arriver à dominer les effets pervers des pollutions hertziennes. Et ça, ça veut dire retrouver les goûts d'autrefois.
J'avais ce caviste qui m'avait dit... Pas caviste, ce chef de cave qui m'avait dit, c'est très curieux, il y a déjà 15 ans maintenant je retrouve les odeurs que j'avais au cellier du temps de mon père.
Voilà, donc c'est un concept très important et par les réseaux sociaux, on explique quand même aux gens d'ailleurs on voit le succès maintenant du bio et de la biodynamie dans les salons tout ça. Tout ça, ce sont des gens qui essaient de se rapprocher du goût que le lieu peut générer. C'est pas encore total, dans le groupe Renaissance on essaie de faire un choix très strict pour cela et même au sein de tous les membres du groupe il y en a qui réussissent mieux que d'autres. Mais, on va revenir, la demande elle est là, et elle est justifiée on va revenir à des vrais goûts et là j'ajoute en vigne, la vigne est une plante tout à fait excessive, c'est une terrestre, elle ne sait que descendre avec sa racine. Donc je dirais toute plante excessive est une plante médicinale. C'est-à-dire qu'elle va guérir la polarité opposée. Donc quand on fait du vin je dirais si on a quelqu'un qui est un mélancolique le vin lui fait du bien, bon, et c'est-à-dire que la vigne le sort un peu de son état très asservi au terrestre. Et, donc on arrive quand on est dans une vraie démarche à avoir... Et le vin est pour moi un produit médicinal, c'est vraiment un produit médicinal.
Le french paradoxe qui a été expliqué par les Américains et par des équipes scientifiques d'Américains peut être multiplié par dix ou peut être par trente si on a à faire 1 - à un bon lieu à vigne 2 - avec des bons porte-greffes 3 - avec une agriculture en biodynamie qui est bien menée. On peut être en biodynamie avec des hauts rendements. Et si ces quatre facteurs sont là on a des vins qui guérissent, ils ont vraiment des propriétés thérapeutiques. Ça c'est encore quelque chose qui peut aider à porter une vie hein !
- Qu'est-ce qui explique que certains vignerons en biodynamie se fassent déclasser notamment de l'appellation ? L’AOC ?
- Mais justement c'est ça qui est très grave c'est que ce monde destructeur qui veut prendre le contrôle du pouvoir de tous ces organismes, l'ordre mondial ça s'appelle... Ils dominent encore le droit aux appellations donc on a vu souvent, il y a eu un cas récemment un peu différent, où je dirais toute cette espèce de structure administrative, dans l'administration il y a des gens qui sont un petit peu complices de tout ça, toute cette structure administrative donc en l'occurrence ceux qui sont chargés, puisque localement il y a toujours un groupe de dégustateurs "Tu as le droit à l'appellation", "T'as pas le droit à l'appellation"... qui juge ! Quand c'est des gars en conventionnelle qui font des goûts arbitraires avec une agriculture qui tue le lieu, ils ne veulent pas laisser arriver une vérité de goût parce que pour eux c'est un désastre financier donc on voit des gens, il y a maintenant beaucoup, qui était revenu à la pleine expression d'une appellation dont le vin a été refusé en AOC et qui se vendent maintenant en vin de France. Alors, tous les vins refusés ne sont pas dans ce cas là mais il y a des vins refusés qui sont certainement dans ce cas là. Et je trouve pitoyable de voir des gens se vendre en vin de France alors que ces gens ont dans leur bouteille le vrai goût de l'appellation et on leur a refusé le droit à l'appellation et on vend sous le nom d'une appellation un vin qui a été très dénaturé par de l'agriculture et par de la technologie de cave.
Bon...
À suivre...
Nicolas JOLY
Juillet 2019 au Château de la Roche aux Moine - Coulée de Serrant - Interview réalisé par Guillaume Bodin - Dahu Production.
Mots-clés: video, biodynamie, degustation, goût, nicolas joly